Hodologia Experience
Et si...
**Vallée alpine sans voiture, 2052**
Midi d’été, à Saint-Laurent-sur-Glacier, la cloche de l’église sonne pendant que la navette autonome grimpe en silence. Par la vitre, Inès regarde les pâturages en terrasses, là où passaient autrefois les cars de touristes. À côté d’elle, Malik, garde-nature devenu médiateur mobilité, sourit en montrant le vieux parking reconverti en verger partagé.
— Avant, ici, c’était 800 voitures par jour en haute saison. Maintenant, on limite à 2 000 visiteurs, mais on les garde plus longtemps, dit-il.
Une odeur de foin coupé entre par la fenêtre entrouverte, couvrant à peine celle, discrète, du freinage électrique.
Sur la place du village, les vélos en libre-service remplacent les files de SUV. Un groupe de jeunes, sacs à dos légers, scanne le totem en bois : l’appli propose randos, ateliers de fromages, temps calme au bord du torrent. Pas de packages, juste des combinaisons possibles, co-construites avec les habitants. La charte locale oblige les hébergements à l’énergie positive et le séjour inclut une demi-journée de “coup de main” à la restauration des sentiers.
Le tonnerre au loin rappelle que le glacier au-dessus recule encore. Inès lève son téléphone, hésite à filmer. Puis elle le range : elle préfère écouter le bourdonnement de l’eau, les rires sur la place, et penser à ce qu’ils pourraient encore inventer, ensemble, pour la saison prochaine.
**Vallée alpine sans voiture, 2052**
Midi d’été, à Saint-Laurent-sur-Glacier, la cloche de l’église sonne pendant que la navette autonome grimpe en silence. Par la vitre, Inès regarde les pâturages en terrasses, là où passaient autrefois les cars de touristes. À côté d’elle, Malik, garde-nature devenu médiateur mobilité, sourit en montrant le vieux parking reconverti en verger partagé.
— Avant, ici, c’était 800 voitures par jour en haute saison. Maintenant, on limite à 2 000 visiteurs, mais on les garde plus longtemps, dit-il.
Une odeur de foin coupé entre par la fenêtre entrouverte, couvrant à peine celle, discrète, du freinage électrique.
Sur la place du village, les vélos en libre-service remplacent les files de SUV. Un groupe de jeunes, sacs à dos légers, scanne le totem en bois : l’appli propose randos, ateliers de fromages, temps calme au bord du torrent. Pas de packages, juste des combinaisons possibles, co-construites avec les habitants. La charte locale oblige les hébergements à l’énergie positive et le séjour inclut une demi-journée de “coup de main” à la restauration des sentiers.
Le tonnerre au loin rappelle que le glacier au-dessus recule encore. Inès lève son téléphone, hésite à filmer. Puis elle le range : elle préfère écouter le bourdonnement de l’eau, les rires sur la place, et penser à ce qu’ils pourraient encore inventer, ensemble, pour la saison prochaine.
**Vallée alpine, 2068**
Midi d’été, la cloche de l’église sonne doucement dans la vallée. Léo gare son vélo à assistance partagée devant la petite gare en bois. L’ancienne station de ski, au-dessus, est devenue un parc naturel habité. Sur le panneau, il lit : « Réservation obligatoire, 1 500 visiteurs/jour max – Conseil citoyen de la vallée ». À côté de lui, Aïcha, la guide, ajuste son chapeau en chanvre recyclé.
— Tu savais qu’ici on ne chauffe plus les hôtels depuis dix ans ? Juste des maisons-passoires transformées en gîtes solaires.
— Et les skis ? demande Léo.
— Musée. Maintenant on répare les pentes, pas les dameuses.
Ils montent dans la navette électrique commune, qui serpente lentement vers l’ancien front de neige. L’air sent la résine et la pierre chaude. Le bruit régulier des cloches des brebis couvre à peine le chuchotement du moteur. Aïcha lui montre les terrasses replantées en prairie, adoptées par les visiteurs via un micro-prélèvement sur chaque nuitée.
En haut, la foule est calme : ateliers de restauration de murets, balade botanique, sieste à l’ombre des panneaux solaires bifaciaux. Léo passe la main sur une roche striée, vestige d’un glacier disparu, pendant qu’un groupe de jeunes débat du prochain budget participatif touristique.
Au loin, la vallée bruisse doucement, comme en attente, et quelqu’un propose d’aller voir ce qui pousse derrière l’ancienne piste noire.
**Vallée alpine, 2068**
Midi d’été, la cloche de l’église sonne doucement dans la vallée. Léo gare son vélo à assistance partagée devant la petite gare en bois. L’ancienne station de ski, au-dessus, est devenue un parc naturel habité. Sur le panneau, il lit : « Réservation obligatoire, 1 500 visiteurs/jour max – Conseil citoyen de la vallée ». À côté de lui, Aïcha, la guide, ajuste son chapeau en chanvre recyclé.
— Tu savais qu’ici on ne chauffe plus les hôtels depuis dix ans ? Juste des maisons-passoires transformées en gîtes solaires.
— Et les skis ? demande Léo.
— Musée. Maintenant on répare les pentes, pas les dameuses.
Ils montent dans la navette électrique commune, qui serpente lentement vers l’ancien front de neige. L’air sent la résine et la pierre chaude. Le bruit régulier des cloches des brebis couvre à peine le chuchotement du moteur. Aïcha lui montre les terrasses replantées en prairie, adoptées par les visiteurs via un micro-prélèvement sur chaque nuitée.
En haut, la foule est calme : ateliers de restauration de murets, balade botanique, sieste à l’ombre des panneaux solaires bifaciaux. Léo passe la main sur une roche striée, vestige d’un glacier disparu, pendant qu’un groupe de jeunes débat du prochain budget participatif touristique.
Au loin, la vallée bruisse doucement, comme en attente, et quelqu’un propose d’aller voir ce qui pousse derrière l’ancienne piste noire.
Cap sur la vallée basse, 2052
Midi d’été, vallée alpine reconvertie. Les anciens télésièges rouillent doucement au-dessus des prairies restaurées, remplacées par des sentiers ombragés. Lila, 26 ans, arrive avec son petit sac à dos ; son train de nuit depuis Paris a mis neuf heures, les vols courts sont interdits depuis dix ans sur ces liaisons. Amir, guide local et co‑gérant de la coopérative, l’attend près de la fontaine, où coule une eau recyclée et surveillée au litre près par la commune. L’air sent le foin chaud et la résine, une cloche tinte au loin.
— Alors, prête pour trois heures de « tourisme utile » ? sourit Amir.
— Je croyais venir en vacances, proteste Lila.
— Justement. Ici, chaque visiteur signe pour au moins une action régénérative. Tu as coché « restauration des zones humides ».
Ils marchent jusqu’à l’ancienne piste bleue, devenue corridor pour amphibiens. Le sol spongieux sous leurs bottes, le bourdonnement des abeilles, les planches en bois de mélèze non traité sous leurs mains. La coopérative limite l’accueil à 2 000 visiteurs par saison et publie chaque année un bilan eau-biodiversité, consulté comme un palmarès de festival.
Lila plante son premier carex dans la tourbe fraîche, étonnée d’être émue par un brin d’herbe. Le soleil tape, un orage couve derrière les crêtes. Et la journée ne fait que commencer à inventer une autre façon de voyager.
Cap sur la vallée basse, 2052
Midi d’été, vallée alpine reconvertie. Les anciens télésièges rouillent doucement au-dessus des prairies restaurées, remplacées par des sentiers ombragés. Lila, 26 ans, arrive avec son petit sac à dos ; son train de nuit depuis Paris a mis neuf heures, les vols courts sont interdits depuis dix ans sur ces liaisons. Amir, guide local et co‑gérant de la coopérative, l’attend près de la fontaine, où coule une eau recyclée et surveillée au litre près par la commune. L’air sent le foin chaud et la résine, une cloche tinte au loin.
— Alors, prête pour trois heures de « tourisme utile » ? sourit Amir.
— Je croyais venir en vacances, proteste Lila.
— Justement. Ici, chaque visiteur signe pour au moins une action régénérative. Tu as coché « restauration des zones humides ».
Ils marchent jusqu’à l’ancienne piste bleue, devenue corridor pour amphibiens. Le sol spongieux sous leurs bottes, le bourdonnement des abeilles, les planches en bois de mélèze non traité sous leurs mains. La coopérative limite l’accueil à 2 000 visiteurs par saison et publie chaque année un bilan eau-biodiversité, consulté comme un palmarès de festival.
Lila plante son premier carex dans la tourbe fraîche, étonnée d’être émue par un brin d’herbe. Le soleil tape, un orage couve derrière les crêtes. Et la journée ne fait que commencer à inventer une autre façon de voyager.
Marée basse sur la ville, 2074
Midi d’été, marée basse, dans la métropole littorale de Saint-Malo élargie. Les vieux remparts regardent les quais plantés de roseaux filtrants, les ferries électriques glissent sans bruit, juste un léger chuintement d’hélices. Aïcha, guide locale devenue “médiatrice des marées”, attend son groupe sous l’ancienne porte Saint-Vincent, fermée aux voitures depuis vingt ans. À côté d’elle, Malik, 14 ans, traîne son sac en chanvre recyclé.
— Donc on ne va pas à la plage ?
— On y va, répond Aïcha, mais d’abord on regarde comment elle tient encore debout.
Elle montre les cartes affichées sur le mur : courbes de niveau, zones inondables, lignes rouges des anciens parkings à touristes. La ville a relevé ses quais de 80 centimètres, déplacé trois hôtels en modules réemployés, instauré un quota journalier d’entrées intra-muros. Les “pass marée” synchronisent trains, navettes à voile et vélos partagés, pour lisser les flux. On sent l’odeur iodée mêlée à celle des algues cultivées sur les digues-récifs, que des habitants exploitent en coopérative touristique.
Le groupe descend vers l’estran. Les pas crissent sur le sable humidifié, des enfants plantent de jeunes zostères dans le cadre d’un “séjour régénératif”. Malik filme, puis range son téléphone. Devant lui, les ruelles sont silencieuses, le vent claque sur les drapeaux de signal de marée, et la ville semble retenir son souffle, précisément au moment où la mer commence à revenir.
Marée basse sur la ville, 2074
Midi d’été, marée basse, dans la métropole littorale de Saint-Malo élargie. Les vieux remparts regardent les quais plantés de roseaux filtrants, les ferries électriques glissent sans bruit, juste un léger chuintement d’hélices. Aïcha, guide locale devenue “médiatrice des marées”, attend son groupe sous l’ancienne porte Saint-Vincent, fermée aux voitures depuis vingt ans. À côté d’elle, Malik, 14 ans, traîne son sac en chanvre recyclé.
— Donc on ne va pas à la plage ?
— On y va, répond Aïcha, mais d’abord on regarde comment elle tient encore debout.
Elle montre les cartes affichées sur le mur : courbes de niveau, zones inondables, lignes rouges des anciens parkings à touristes. La ville a relevé ses quais de 80 centimètres, déplacé trois hôtels en modules réemployés, instauré un quota journalier d’entrées intra-muros. Les “pass marée” synchronisent trains, navettes à voile et vélos partagés, pour lisser les flux. On sent l’odeur iodée mêlée à celle des algues cultivées sur les digues-récifs, que des habitants exploitent en coopérative touristique.
Le groupe descend vers l’estran. Les pas crissent sur le sable humidifié, des enfants plantent de jeunes zostères dans le cadre d’un “séjour régénératif”. Malik filme, puis range son téléphone. Devant lui, les ruelles sont silencieuses, le vent claque sur les drapeaux de signal de marée, et la ville semble retenir son souffle, précisément au moment où la mer commence à revenir.
**Marée basse à Brest, 2068**
Midi d’été sur le quai désarmé de voitures. Brest bruisse d’un vrombissement doux de tram-maritime à hydrogène, mais ici, au fond de la rade, on entend surtout le clapotis des coques partagées. Marée basse : les algues luisent, dégageant une odeur d’iode et de métal rouillé. Lina, 17 ans, scanne son bracelet de mobilité sur le panneau en bois recyclé : « Covoile – départ toutes les 20 minutes. Priorité aux habitants. »
— T’es sûre qu’ils voudront de touristes en plus, mamie ?
— On n’est plus “en plus”, on est utiles, répond Jeanne, 72 ans, guide bénévole à ses heures.
Leur bateau électrique partagé embarque huit personnes, deux vélos pliants et un couple de retraités allemands. À bord, l’écran indique les flux : « Affluence modérée, empreinte carbone du trajet : 0,2 kg eqCO₂, compensée par la nurserie d’huîtres restaurée sous vos pieds. » Jeanne commente, plus fière que le capitaine : « Depuis qu’ils ont limité à un seul accès motorisé par foyer et mis la taxe haute-saison sur les vans, les gens restent plus longtemps. Ils apprennent à s’orienter avec le vent, pas avec un GPS. »
La coque glisse sur l’eau verte, frôle les jardins de moules suspendues, et la ville apparaît, piétonne, blanche de lumière, comme posée sur la mer qui remonte déjà, lentement, pour redistribuer les cartes.
**Marée basse à Brest, 2068**
Midi d’été sur le quai désarmé de voitures. Brest bruisse d’un vrombissement doux de tram-maritime à hydrogène, mais ici, au fond de la rade, on entend surtout le clapotis des coques partagées. Marée basse : les algues luisent, dégageant une odeur d’iode et de métal rouillé. Lina, 17 ans, scanne son bracelet de mobilité sur le panneau en bois recyclé : « Covoile – départ toutes les 20 minutes. Priorité aux habitants. »
— T’es sûre qu’ils voudront de touristes en plus, mamie ?
— On n’est plus “en plus”, on est utiles, répond Jeanne, 72 ans, guide bénévole à ses heures.
Leur bateau électrique partagé embarque huit personnes, deux vélos pliants et un couple de retraités allemands. À bord, l’écran indique les flux : « Affluence modérée, empreinte carbone du trajet : 0,2 kg eqCO₂, compensée par la nurserie d’huîtres restaurée sous vos pieds. » Jeanne commente, plus fière que le capitaine : « Depuis qu’ils ont limité à un seul accès motorisé par foyer et mis la taxe haute-saison sur les vans, les gens restent plus longtemps. Ils apprennent à s’orienter avec le vent, pas avec un GPS. »
La coque glisse sur l’eau verte, frôle les jardins de moules suspendues, et la ville apparaît, piétonne, blanche de lumière, comme posée sur la mer qui remonte déjà, lentement, pour redistribuer les cartes.
**Marée basse à Belle-Île, 2068**
C’est la veille de fermeture de saison, et la crique réhabilitée bourdonne juste assez pour ne pas déranger les gravelots. L’odeur d’algues sèches se mêle au café d’orge qu’Amel sert depuis son kiosque démontable, branché sur la micro‑centrale marémotrice de la commune. L’îlot corallien, autrefois grignoté par l’élévation marine, tient grâce aux récifs artificiels en bois minéralisé et à la règle simple votée en 2052 : pas plus de 500 visiteurs par marée.
— Tu te rends compte, Amel, en 2020 on parlait encore de “surtourisme”, lance Hugo, son dernier client, en rinçant ses pieds dans le bac d’eau recyclée.
— On en parle toujours, répond‑elle en souriant. La différence, c’est que maintenant on a un bouton “pause”.
Au loin, la navette à voile électrique repart vers le continent, silencieuse comme un chat. La vie locale s’est adaptée : les pêcheurs sont devenus guides de récifs, les anciens parkings sont des jardins salés, et chaque nuit les habitants valident en ligne la jauge du lendemain, comme on vérifie la météo. La marée se retire lentement, découvrant les coraux regreffés qui scintillent sous la lumière rasante. Amel baisse le volet de bois de son kiosque, sent sous ses doigts le grain rugueux du pin recyclé, et se dit qu’il reste justement assez de temps pour imaginer la prochaine saison autrement.
**Marée basse à Belle-Île, 2068**
C’est la veille de fermeture de saison, et la crique réhabilitée bourdonne juste assez pour ne pas déranger les gravelots. L’odeur d’algues sèches se mêle au café d’orge qu’Amel sert depuis son kiosque démontable, branché sur la micro‑centrale marémotrice de la commune. L’îlot corallien, autrefois grignoté par l’élévation marine, tient grâce aux récifs artificiels en bois minéralisé et à la règle simple votée en 2052 : pas plus de 500 visiteurs par marée.
— Tu te rends compte, Amel, en 2020 on parlait encore de “surtourisme”, lance Hugo, son dernier client, en rinçant ses pieds dans le bac d’eau recyclée.
— On en parle toujours, répond‑elle en souriant. La différence, c’est que maintenant on a un bouton “pause”.
Au loin, la navette à voile électrique repart vers le continent, silencieuse comme un chat. La vie locale s’est adaptée : les pêcheurs sont devenus guides de récifs, les anciens parkings sont des jardins salés, et chaque nuit les habitants valident en ligne la jauge du lendemain, comme on vérifie la météo. La marée se retire lentement, découvrant les coraux regreffés qui scintillent sous la lumière rasante. Amel baisse le volet de bois de son kiosque, sent sous ses doigts le grain rugueux du pin recyclé, et se dit qu’il reste justement assez de temps pour imaginer la prochaine saison autrement.
**Vallée alpine, 2068**
Midi d’été dans la Vallée Claire, ex‑station de ski devenue parc alpin quatre saisons. Le gravier du sentier crisse sous nos pas, encore humide après la mini‑averse de midi. J’accompagne mon dernier groupe de la semaine, quinze ados venus en « classe climatique ». Le télésiège d’autrefois, couvert de panneaux solaires, ronronne doucement au‑dessus de nos têtes, transformé en observatoire mobile de la flore.
— C’est vrai que vous faisiez de la neige ici, en plein avril ? demande Lila, casque audio autour du cou.
— Oui. On pompait l’eau du torrent pour la projeter sur les pistes. Aujourd’hui, le torrent alimente plutôt les mares restaurées plus bas, et c’est vous qui fabriquez la neige… en modèle climatique, sur vos tablettes.
On atteint l’ancienne gare de départ, devenue « Maison des Saisons ». L’odeur de résine de mélèze fraîchement taillé se mêle au fumet du repas préparé par la cantine locale, qui affiche au mur la règle votée par la vallée en 2055 : pas plus de 4 000 nuitées touristiques simultanées. Les ados valident sur l’appli de la vallée leurs heures de bénévolat du matin, passées à replanter des arbustes dans la zone d’anciennes pistes.
Au loin, la montagne se reflète dans un réservoir reconverti en lac de baignade. Un des garçons lance un caillou, les cercles s’élargissent lentement : c’est à leur tour de décider jusqu’où ils les laisseront aller.
**Vallée alpine, 2068**
Midi d’été dans la Vallée Claire, ex‑station de ski devenue parc alpin quatre saisons. Le gravier du sentier crisse sous nos pas, encore humide après la mini‑averse de midi. J’accompagne mon dernier groupe de la semaine, quinze ados venus en « classe climatique ». Le télésiège d’autrefois, couvert de panneaux solaires, ronronne doucement au‑dessus de nos têtes, transformé en observatoire mobile de la flore.
— C’est vrai que vous faisiez de la neige ici, en plein avril ? demande Lila, casque audio autour du cou.
— Oui. On pompait l’eau du torrent pour la projeter sur les pistes. Aujourd’hui, le torrent alimente plutôt les mares restaurées plus bas, et c’est vous qui fabriquez la neige… en modèle climatique, sur vos tablettes.
On atteint l’ancienne gare de départ, devenue « Maison des Saisons ». L’odeur de résine de mélèze fraîchement taillé se mêle au fumet du repas préparé par la cantine locale, qui affiche au mur la règle votée par la vallée en 2055 : pas plus de 4 000 nuitées touristiques simultanées. Les ados valident sur l’appli de la vallée leurs heures de bénévolat du matin, passées à replanter des arbustes dans la zone d’anciennes pistes.
Au loin, la montagne se reflète dans un réservoir reconverti en lac de baignade. Un des garçons lance un caillou, les cercles s’élargissent lentement : c’est à leur tour de décider jusqu’où ils les laisseront aller.
Métropole littorale, 2083
À Marseille‑Rivage, jour sans voiture, même la rumeur du Vieux‑Port a changé de texture. On entend surtout le froissement des voiles des navettes électriques et le crissement discret des valises sur les pavés refroidis par l’ombre des toiles solaires. Nora, directrice de l’office de tourisme, observe le tableau depuis le toit‑jardin de l’ancienne gare maritime, transformée en hub intermodal bas carbone.
— Tu te rends compte, Lucas, on a coupé les derniers parkings de surface il y a dix ans, et les visiteurs reviennent plus longtemps.
Le guide sourit, sa tablette en bois recyclé sous le bras.
— Cinq jours de séjour moyen, contre trois en 2050. Ils ont le temps de marcher, forcément.
À midi, l’odeur d’algues et de pain chaud remonte des ruelles piétonnes. Une famille descend d’un bateau‑tram à hydrogène, regard un peu perdu. Lucas les accueille :
— Train de nuit, bateau, vélos partagés compris dans le pass, vous n’avez rien raté, vous avez juste ralenti.
Nora repense aux années d’inondations et d’embouteillages : aujourd’hui, la taxe d’accès maritime finance les digues‑humides végétalisées, et les habitants gèrent eux‑mêmes les quotas journaliers via une coopérative citoyenne.
Au loin, les mâts des navettes oscillent comme une petite forêt blanche, et la ville respire au rythme des pas plutôt que des moteurs, pendant qu’un premier groupe s’avance déjà vers la jetée pour inventer sa propre façon d’arriver.
Métropole littorale, 2083
À Marseille‑Rivage, jour sans voiture, même la rumeur du Vieux‑Port a changé de texture. On entend surtout le froissement des voiles des navettes électriques et le crissement discret des valises sur les pavés refroidis par l’ombre des toiles solaires. Nora, directrice de l’office de tourisme, observe le tableau depuis le toit‑jardin de l’ancienne gare maritime, transformée en hub intermodal bas carbone.
— Tu te rends compte, Lucas, on a coupé les derniers parkings de surface il y a dix ans, et les visiteurs reviennent plus longtemps.
Le guide sourit, sa tablette en bois recyclé sous le bras.
— Cinq jours de séjour moyen, contre trois en 2050. Ils ont le temps de marcher, forcément.
À midi, l’odeur d’algues et de pain chaud remonte des ruelles piétonnes. Une famille descend d’un bateau‑tram à hydrogène, regard un peu perdu. Lucas les accueille :
— Train de nuit, bateau, vélos partagés compris dans le pass, vous n’avez rien raté, vous avez juste ralenti.
Nora repense aux années d’inondations et d’embouteillages : aujourd’hui, la taxe d’accès maritime finance les digues‑humides végétalisées, et les habitants gèrent eux‑mêmes les quotas journaliers via une coopérative citoyenne.
Au loin, les mâts des navettes oscillent comme une petite forêt blanche, et la ville respire au rythme des pas plutôt que des moteurs, pendant qu’un premier groupe s’avance déjà vers la jetée pour inventer sa propre façon d’arriver.
**Val d’Aoste, été 2058**
Midi tape sur la vallée alpine, mais l’air reste étonnamment frais dans la “Station des Quatre‑Saisons”. Je fais visiter à Inès, 17 ans, première fois à la montagne sans neige. À la place des anciens parkings à cars, une prairie restaurée bourdonne d’abeilles; les navettes à hydrogène déposent les visiteurs à la gare en bas, puis tout se fait à pied ou à vélo partagé.
— Donc, vous n’avez plus de ski du tout ?
Je souris.
— On en garde un peu sur glacier, mais le gros de la saison, c’est les sentiers sensoriels et les bains thermaux. On a signé en 2045 la charte “neige responsable”: zéro canon sous 1 800 mètres.
Le bruit de l’eau guide nos pas vers la rivière renaturée. Les hôtels, en bois local et terre crue, produisent plus d’énergie qu’ils n’en consomment; la taxe de séjour finance les corridors écologiques, 1 % sur chaque nuit. Au loin, on entend des rires venant d’un atelier de réparation de vélos animé par des ados du coin.
Inès touche le tronc rugueux d’un mélèze, respire la résine et la menthe sauvage.
— C’est fou… On dirait que la vallée a décidé de respirer plus lentement.
Je note sa phrase dans mon carnet de directeur d’office de tourisme, pendant que les nuages d’orage se reforment au‑dessus des crêtes et que le prochain groupe commence déjà à se rassembler.
**Val d’Aoste, été 2058**
Midi tape sur la vallée alpine, mais l’air reste étonnamment frais dans la “Station des Quatre‑Saisons”. Je fais visiter à Inès, 17 ans, première fois à la montagne sans neige. À la place des anciens parkings à cars, une prairie restaurée bourdonne d’abeilles; les navettes à hydrogène déposent les visiteurs à la gare en bas, puis tout se fait à pied ou à vélo partagé.
— Donc, vous n’avez plus de ski du tout ?
Je souris.
— On en garde un peu sur glacier, mais le gros de la saison, c’est les sentiers sensoriels et les bains thermaux. On a signé en 2045 la charte “neige responsable”: zéro canon sous 1 800 mètres.
Le bruit de l’eau guide nos pas vers la rivière renaturée. Les hôtels, en bois local et terre crue, produisent plus d’énergie qu’ils n’en consomment; la taxe de séjour finance les corridors écologiques, 1 % sur chaque nuit. Au loin, on entend des rires venant d’un atelier de réparation de vélos animé par des ados du coin.
Inès touche le tronc rugueux d’un mélèze, respire la résine et la menthe sauvage.
— C’est fou… On dirait que la vallée a décidé de respirer plus lentement.
Je note sa phrase dans mon carnet de directeur d’office de tourisme, pendant que les nuages d’orage se reforment au‑dessus des crêtes et que le prochain groupe commence déjà à se rassembler.
**Marée basse à Saint-Malo, 2058**
Marée basse, quai presque silencieux. Les anciennes affiches de croisières géantes jaunissent derrière la vitre de l’Office, devenu « Maison des Voyages Lents ». Léa, 16 ans, fait la moue devant la maquette du dernier voilier‑ferry électrique.
— Sérieux papa, trois jours pour venir de Marseille, c’est du tourisme ou un déménagement ?
Jules rit, le pull encore imprégné d’odeur d’algues et de bois mouillé. Il lui montre la carte des liaisons « sans kérosène » qui ont remplacé les vols intérieurs, depuis la loi des 500 km en 2045.
— Tu viens d’apprendre à barrer, à cuisiner des lentilles pour trente personnes et à parler breton avec Mam Gwer. C’est plus qu’un city-break, non ?
Dehors, le clapotis contre les coques remplace le vrombissement des bus de croisière. Une bande de jeunes locaux installe des tables pliantes pour l’« agora des voyageurs » du soir : chacun raconte ce qu’il a apporté à la ville, pas ce qu’il a consommé. Léa sort son carnet : demain, elle rejoint l’équipe qui restaure les herbiers marins, financée par la nouvelle taxe de mouillage, plafonnant les visiteurs à cinq mille par marée.
Sur la grève, les anciennes photos de mégas bateaux sont gravées dans le bois d’un banc, face aux voiles blanches. Léa s’assoit, respire l’iode, et se demande déjà quel récit elle, à son tour, racontera aux prochains arrivants.
**Marée basse à Saint-Malo, 2058**
Marée basse, quai presque silencieux. Les anciennes affiches de croisières géantes jaunissent derrière la vitre de l’Office, devenu « Maison des Voyages Lents ». Léa, 16 ans, fait la moue devant la maquette du dernier voilier‑ferry électrique.
— Sérieux papa, trois jours pour venir de Marseille, c’est du tourisme ou un déménagement ?
Jules rit, le pull encore imprégné d’odeur d’algues et de bois mouillé. Il lui montre la carte des liaisons « sans kérosène » qui ont remplacé les vols intérieurs, depuis la loi des 500 km en 2045.
— Tu viens d’apprendre à barrer, à cuisiner des lentilles pour trente personnes et à parler breton avec Mam Gwer. C’est plus qu’un city-break, non ?
Dehors, le clapotis contre les coques remplace le vrombissement des bus de croisière. Une bande de jeunes locaux installe des tables pliantes pour l’« agora des voyageurs » du soir : chacun raconte ce qu’il a apporté à la ville, pas ce qu’il a consommé. Léa sort son carnet : demain, elle rejoint l’équipe qui restaure les herbiers marins, financée par la nouvelle taxe de mouillage, plafonnant les visiteurs à cinq mille par marée.
Sur la grève, les anciennes photos de mégas bateaux sont gravées dans le bois d’un banc, face aux voiles blanches. Léa s’assoit, respire l’iode, et se demande déjà quel récit elle, à son tour, racontera aux prochains arrivants.
Val d’Arve, 2068
Midi d’été, dans l’ancienne station de ski devenue vallée alpine des quatre saisons. Léa, garde‑nature, accueille un petit groupe devant l’ancienne télécabine transformée en centre de “tourisme régénératif”. L’air sent la résine chaude, les cigales couvrent presque sa voix.
— Aujourd’hui, pas de descente, annonce-t‑elle en souriant. On remonte la montagne… mais pour la réparer.
Les visiteurs ont réservé leur place des mois à l’avance : le quota est de 250 personnes par jour, pas un de plus, décidé en assemblée locale avec les habitants. Éric, venu pour “décompresser du boulot”, lève un sourcil quand on lui tend une binette légère en bois recyclé.
— Je croyais venir en vacances, pas en chantier.
— Les deux sont compatibles, répond Léa. Vous verrez, ça détend plus qu’un spa.
Ils marchent sur l’ancien bas-côté de piste, devenu prairie fleurie. Sous leurs chaussures, la terre est souple, fraîche. On replante des boutures de linaigrette autour des noues qui retiennent l’eau de fonte, on comble un sentier érodé, on relève les micro-barrages qui évitent que la montagne ne se vide de son eau. Le nouveau train à crémaillère solaire dépose et reprend les visiteurs en douceur, sans voiture, sans klaxon, seulement le cliquetis discret des roues sur le rail.
En fin de journée, la vallée bruisse de rires fatigués et de bêlements lointains. Sur la pente, une mosaïque de taches blanches nouvellement plantées dessine un futur possible, et quelqu’un propose déjà de revenir voir ce que ce paysage aura à raconter.
Val d’Arve, 2068
Midi d’été, dans l’ancienne station de ski devenue vallée alpine des quatre saisons. Léa, garde‑nature, accueille un petit groupe devant l’ancienne télécabine transformée en centre de “tourisme régénératif”. L’air sent la résine chaude, les cigales couvrent presque sa voix.
— Aujourd’hui, pas de descente, annonce-t‑elle en souriant. On remonte la montagne… mais pour la réparer.
Les visiteurs ont réservé leur place des mois à l’avance : le quota est de 250 personnes par jour, pas un de plus, décidé en assemblée locale avec les habitants. Éric, venu pour “décompresser du boulot”, lève un sourcil quand on lui tend une binette légère en bois recyclé.
— Je croyais venir en vacances, pas en chantier.
— Les deux sont compatibles, répond Léa. Vous verrez, ça détend plus qu’un spa.
Ils marchent sur l’ancien bas-côté de piste, devenu prairie fleurie. Sous leurs chaussures, la terre est souple, fraîche. On replante des boutures de linaigrette autour des noues qui retiennent l’eau de fonte, on comble un sentier érodé, on relève les micro-barrages qui évitent que la montagne ne se vide de son eau. Le nouveau train à crémaillère solaire dépose et reprend les visiteurs en douceur, sans voiture, sans klaxon, seulement le cliquetis discret des roues sur le rail.
En fin de journée, la vallée bruisse de rires fatigués et de bêlements lointains. Sur la pente, une mosaïque de taches blanches nouvellement plantées dessine un futur possible, et quelqu’un propose déjà de revenir voir ce que ce paysage aura à raconter.
Vallée alpine, 2058
À midi, le télétrain solaire glisse sans bruit au-dessus des anciennes pistes, devenues prairies fleuries. En bas, la station de Val-Claire bruisse de voix et de cloches de brebis. Léo, 16 ans, regarde les terrasses en bois recyclé et les panneaux « Séjour long = taxe carbone offerte par la commune ». Ici, tout le monde reste au moins deux semaines depuis que le canton a interdit les séjours de moins de 5 nuits.
— C’était comment, avant, Mamie ?
— Plus de neige, plus de voitures, moins de gens heureux, répond Sofia, guide‑habitante, en riant. On consommait des week-ends comme des paquets de chips.
Elle les emmène vers le « Parc des Neiges Anciennes », une zone reboisée où l’on touche encore les canons à neige rouillés, gardés comme des totems. L’air sent la résine et le pain qui cuit, un drone‑cargo ronronne au loin, livrant des légumes bio à la cuisine partagée de la station.
Sous l’ombre fraîche d’un mélèze, les enfants plantent de jeunes arbustes ; les visiteurs signent sur une table tactile en bois leurs engagements de retour, dans un an, pour les mesurer. Au loin, les anciens télésièges servent de belvédères de lecture du paysage. Dans la lumière blanche du midi d’été, la vallée se reflète dans les lunettes de Léo, et l’avenir ressemble soudain à un long séjour qu’on prend enfin le temps d’organiser ensemble.
Vallée alpine, 2058
À midi, le télétrain solaire glisse sans bruit au-dessus des anciennes pistes, devenues prairies fleuries. En bas, la station de Val-Claire bruisse de voix et de cloches de brebis. Léo, 16 ans, regarde les terrasses en bois recyclé et les panneaux « Séjour long = taxe carbone offerte par la commune ». Ici, tout le monde reste au moins deux semaines depuis que le canton a interdit les séjours de moins de 5 nuits.
— C’était comment, avant, Mamie ?
— Plus de neige, plus de voitures, moins de gens heureux, répond Sofia, guide‑habitante, en riant. On consommait des week-ends comme des paquets de chips.
Elle les emmène vers le « Parc des Neiges Anciennes », une zone reboisée où l’on touche encore les canons à neige rouillés, gardés comme des totems. L’air sent la résine et le pain qui cuit, un drone‑cargo ronronne au loin, livrant des légumes bio à la cuisine partagée de la station.
Sous l’ombre fraîche d’un mélèze, les enfants plantent de jeunes arbustes ; les visiteurs signent sur une table tactile en bois leurs engagements de retour, dans un an, pour les mesurer. Au loin, les anciens télésièges servent de belvédères de lecture du paysage. Dans la lumière blanche du midi d’été, la vallée se reflète dans les lunettes de Léo, et l’avenir ressemble soudain à un long séjour qu’on prend enfin le temps d’organiser ensemble.
